vendredi 29 février 2008

L’ÉCR, ça fait bloguer!

J’ai risqué le verbe «bloguer» en étant pas trop sûr que son usage soit accepté. Vérification faite (avec Antidote), c’est correct. Définition : «Maintenir un blogue en activité». Le correcteur Microsoft Word rejetait cependant ce mot. Je fus rassuré en apprenant que Le grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française avait consacré une entrée pour ce nouveau verbe, qui a d’ailleurs «carneter» comme synonyme.

Passons maintenant au sujet principal. Vous êtes sur un blogue dédié à ce programme mais d’autres blogues abordent aussi la question : je me suis même engagé dans un échange sur le site du RAEQ à la suite du commentaire «Éthique et culture religieuse : la dissidence s’organise» de Jean-Pierre Proulx. Je ne reprendrai pas ici le détail de l’échange, auquel s’est joint un autre blogueur chevronné, André Chartrand. Il y a plusieurs questions soulevées qui mériteraient un développement plus approfondi. Je reviendrai peut-être sur le présent site. Je vous invite à consulter le tout et à ajouter votre grain de sel, ici ou là. Si vous repérez d’autres sites qui discutent actuellement du programme, faites-le savoir par un commentaire ou un courriel. Je les ajouterai à la liste présentée à gauche.

1 commentaire:

Roger Girard a dit…

Depuis quelques jours, j'essaie d'envoyer ma réponse sur le blogue du RAEQ mais il y a un problème... Voici donc ma réponse, que vous pouvez commenter ici à votre convenance.

Bonsoir Jean-Pierre et André

J’apprécie beaucoup l’attention que vous portez à mes commentaires. Je me permets d’y aller encore de quelques réactions.

Au préalable, je dois avouer une erreur informatique : les liens hypertextes n’ont pas été conservés dans la version finale (j’ai copié mon texte et ceux-ci n’ont pas suivis. Ah! Les TIC!) Voici donc ces liens perdus et retrouvables qui explicitent ma pensée :

«…J’ai livré des remarques sur le peu de prise en compte de la réalité de l’élève et du développement personnel, ainsi que sur les limites du dialogue tel qu’abordé dans le programme. » (http://ethiqueetculturereligieuse.blogspot.com/2008/02/une-culture-religieuse-insensible-la.html)

Non, je ne souhaite pas a priori le maintien du régime d’options, mais je considère que s’il convient de le remplacer, ce doit être par un programme qui réponde vraiment aux attentes éducatives et qui s’impose par sa valeur pédagogique plutôt que par son caractère obligatoire : c’est ce que signifie pour moi une «contre-partie acceptable». Les deux textes ci-dessus mentionnés vont en ce sens. Je fais référence au rejet éventuel de certains parents non tellement parce que je suis d’accord mais pour signaler un fait social bien actuel qu’il convient d’analyser plus largement, à la suite du texte initial «La dissidence s’organise».

Je fais évidemment une distinction entre la loi 95 qui instaurait le programme commun en remplacement du régime d’options et le texte du programme qui a suivi comme application de la loi. Le programme ne fut pas voté en assemblée nationale ni même les Orientations ministérielles alors présentées. Ces dernières comportaient des qualités et aussi certaines limites. À cet effet, j’ai présenté un mémoire au Ministre en août 2005 pour que le «débat tranché» au plan législatif produise les meilleurs résultats quant à la nature du programme et à sa mise en œuvre dans les milieux scolaires. Je vous laisse deviner l’influence du document, mais vous «décoderez» qu’il était loin de proposer de garder le régime d’options.

Il faut prendre la peine de lire le programme et de s’en faire une idée. Il est trop commode de banaliser les questions et les critiques en les assimilant à des «disputes d’école…en matière de pédagogie». Votre référence à «des personnes comme Georges Leroux» ne peut constituer un argument d’autorité suffisant, puisqu’il fut directement impliqué dans la production. J’estime au plus haut point la pensée de Georges Leroux mais il faut avouer qu’il développe surtout les fondements du programme et que mon inquiétude porte sur le programme tel que produit finalement, comme incarnation de ces fondements dans un cadre d’interventions concrètes. La lecture de son livre sur «les arguments pour un programme» éclaire beaucoup sur les perspectives fondamentales qui ont guidé les concepteurs et qui ont façonné les propositions de contenue et de démarches. Il serait utile d’analyser cet ouvrage phare (car il s’agit essentiellement des conférences présentées au deux forums nationaux) pour ressortir les modèles éducatifs implicites et la vision sociale sous-jacente. On pourrait certes aller plus loin que la recension avenante de Louis Cornellier dans Le Devoir(http://www.ledevoir.com/2007/09/08/156035.html).

Je considère que l’analyse présentée par le Comité-conseil des programmes d’études offre une appréciation plus impartiale et plus complète du programme en tant que tel. Malheureusement, cet avis n’a pas eu tellement de diffusion, ne figurant même pas parmi les rapports de consultation sur le programme que mentionne le site du Ministère(https://www7.mels.gouv.qc.ca/DC/ECR/index.php).

Je demeure toujours en alerte quant aux justifications apportées pour ou contre le recours à la clause dérogatoire. C’est pourquoi j’ai relevé l’évocation d’un gouvernement «obsédé» à ce sujet… Un tel recours, aux yeux de plusieurs intervenants, apparaissait comme vraiment «honteux», car contraire à l’égalité des personnes et même à l’état de droit… La défense des principes n’est pas purement rationnelle : elle fait cependant écho à ce qui travaille la société. L’argumentation contextuelle (comme «l’incompatibilité de tels programmes, avec la laïcité de l’État, le pluralisme religieux…») perd de sa force lorsque l’on considère l’aménagement scolaire dans d’autres pays comportant non moins que nous la laïcité de l’État et le pluralisme religieux.

Mon hypothèse est que la décision d’un cours commun à tous relève davantage de considérations organisationnelles et de motifs «socio philosophiques» que de préoccupations éducatives. C’est ainsi en vertu d’une vision de la société québécoise que l’on parle de «l’aboutissement d’un long processus social», et il n’y a rien de mal à cela. Il importe cependant de considérer qu’il s’agit d’une interprétation et non d’une évidence. Qu’est-ce qui fait que ce qui s’est passé à telle date devienne le début de quelque chose et que ce début doive entraîner une suite logique, comme un nécessaire idéal? Nous sommes alors devant un «mythe» (au strict sens anthropologique) qui donne à vivre en société bien sûr, mais qui ne saurait à lui seul faire la réalité. Ce n’est pas sans raison qu’on se reporte souvent alors à la Révolution tranquille (http://www.romanmania.com/TexteLAReVOLUTION%20INACHEVeE.htm). Dans un avis publié en 2006(http://www.mels.gouv.qc.ca/affairesreligieuses/CAR/PDF/Avis_LaiciteScolaire.pdf), le Comité sur les affaires religieuses a présenté une formalisation historique du processus de déconfessionnalisation qui, selon moi, loge à l’enseigne de ce mythe bien de chez nous.

Une des composantes cognitives de cette représentation sociale relève de l’ambivalence du terme «culturel». Quand on oppose «culturel» à «confessionnel», on oublie que la «foi» comme toute religion ou toute croyance n’existe pas hors de la culture. Parler de «perspective catéchétique ou culturelle» ne fait pas tellement problème lorsque l’on se réfère à des formes concrètes d’enseignement que l’on distingue ainsi. Il en va autrement quand on se propose de décrire ou d’analyser une situation vécue par une personne ou une collectivité. Dans ma réponse précédente, je pensais justement à l’ouvrage capital de Micheline Milot, qui est citée par André. Son ouvrage, Une religion à transmettre? le choix des parents : essai d'analyse culturelle, publié en 1991, concluait que les parents choisissaient l’enseignement confessionnel parce qu’ils veulent assurer à leurs enfants ce qu’elle nomme «un étais à l’existence», et non d’abord l’assimilation de la doctrine de l’Église ou l’appartenance religieuse. Il s’agissait d’une étude rigoureuse, qui reprenait l’essentiel de sa thèse de doctorat en Sciences de l’éducation, sur les motifs des parents à choisir l’enseignement religieux pour leur enfant. Dans cette approche de nature sociologique, la transmission telle que décrite et analysée ne pouvait être que culturelle, évidemment. Or, plusieurs ont retenu que l’enseignement religieux scolaire pour les parents se résumait alors à une simple «transmission culturelle » de la religion, en opposition à la «transmission de la foi», que les parents devraient donc apprécier davantage un «enseignement culturel» des religions, que la «transmission de la foi» devait se faire hors de l’école… des positions qui peuvent être légitimes mais demeurant non fondées sur les résultats de cette recherche universitaire. Par conséquent, il me semble abusif d’en retirer que les parents «ont un rapport culturel et identitaire au catholicisme et non pas de foi». L’étude montrait que les parents recherchaient bien «la connaissance de la religion» et le développement moral mais aussi quelque chose de plus global, un «étais culturel»; cette préoccupation profonde et difficilement nommable, d’après moi, s’apparente grandement à ce que l’on peut appeler «l’éducation religieuse ou spirituelle», et qui peut se comprendre et s’articuler pédagogiquement dans une perspective non-confessionnelle et même laïque, à l’exemple de certains pays. Voilà ce qui constituerait peut-être une approche culturelle plus authentique, plus respectueuse de la réalité sociale quant aux attentes éducatives.

«Tout n’est pas parfait dans ce programme» et il vaut mieux procéder avec circonspection. S’il n’est pas possible de retarder l’opération selon certains et particulièrement selon ceux qui décident, identifions les points qui méritent une attention spéciale et donnons l’occasion d’évaluer ce qui arrive. Des ajustements, s’il y a lieu, pourront être pensés et réalisés avant que tout se dégrade. Le problème ne se résume pas à «la préséance de la tradition chrétienne» : au-delà de la répartition quantitative des contenus, c’est le traitement qualitatif de ceux-ci qu’il importe d’assurer. Un simple cours d’histoire sur le Québec et sur le monde occidental suffirait à expliquer le rôle du christianisme dans notre société. Il me semble que les gens s’attendent à plus avec ce cours et que le gouvernement a promis davantage au plan éducatif.