lundi 21 novembre 2011
Dialogue en ÉCR et Communication en Français
mardi 28 octobre 2008
Les limites du dialogue en matière de sondages sur l’ÉCR
J’avais trouvé plutôt problématique l’analyse présentée par Jean-Pierre Proulx sur la constante des sondages en faveur du programme Éthique et culture religieuse. J’ai exposé les lacunes de son article «La majorité souhaite un enseignement non confessionnel» (Le Devoir, 19 septembre 2008) dans un billet précédent ÉCR en débat : Une interprétation douteuse des sondages sur l’enseignement religieux.
Soit dit en passant, je me pose de sérieuses questions sur la manière dont on fait intervenir les sondages dans les nouvelles et dans le débat public en général. Sur la question des changements en enseignement moral et religieux, depuis dix ans, on assiste à une utilisation faussement scientifique des sondages pour défendre une cause préétablie alors qu’ils devraient servir comme outils pour mieux appréhender la réalité sociale. Ce sont les préoccupations qui m’animent en abordant le présent cas, pour mettre de l’avant quelques interrogations et hypothèses.
Voilà qu’à la suite de la publication des résultats du récent sondage de l'Association des parents catholiques du Québec (APCQ) , le professeur y va encore de son analyse sur la portée de ce sondage en défendant la «valeurs» des «bons sondages» qui manifestent l’appui de la majorité et la «sagesse» de la décision gouvernementale. Il fait paraître dans le blogue du RAEQ un texte sous le titre À propos d'un récent sondage sur le programme ECR. Où loge la sagesse? (24 octobre 2008).
Vous pourrez prendre connaissance de son billet sur le site d’origine, je vous livre ici le contenu de mon commentaire et l’échange qui s’en est suivi, jusqu’à ce que le «dialogue» prenne fin faute de… (à vous de juger)
1- Commentaire de: Roger Girard (10/25/08)
Votre billet cherche à préciser certains éléments de manière à justifier le programme Éthique et culture religieuse, maintenant obligatoire au primaire et au secondaire. L’intention est légitime, mais les arguments suscitent certaines questions et même des réserves sérieuses.
Pourquoi minimiser la signification du récent sondage de l’APCQ? Vous invoquez la question de la «désirabilité sociale» comme un facteur qui aurait fortement accentué l’accord des répondants. En dépit de votre référence à des spécialistes, vous vous trompez sans doute de «phénomène explicatif». Voici une citation éclairante à ce propos :
«Le concept de désirabilité sociale entendu comme étant «la tendance d’un individu à admettre et à adopter les traits et les comportements qui sont désirables ou acceptables, et à rejeter, à l’inverse, ceux qui ne le sont pas» [Zerbe et Paulhus, 1983] traduit l’influence de la norme sociale dans les réponses apportées aux enquêtes. Autrement dit, quel que soit son avis ou son comportement, l’individu donnera la réponse qui lui semble être socialement acceptable.»(cf. le site site COMINDUS/Borel, consulté le 24 octobre 2008)
Vous trouvez que ce n’est pas la bonne question à poser, mais on doit prendre les résultats pour ce qu’ils manifestent, soit la répartition très probable des opinions de la population sur la question posée.
Vous avez bien raison de rappeler qu’il serait inacceptable de «gouverner par sondage». Mais c’est une tendance bien normale pour les élus de «décider ce qui est le plus sage» est tenant compte de ce qui semble le plus sage aussi aux yeux de leurs concitoyens. Ils représentent le peuple, on ne peut leur reprocher d’être à l’écoute de celui-ci. Dans l’hypothèse où la nécessité d’une décision ne s’avère pas être partagée par la population, les élus prendront toutes les dispositions possibles pour exposer les motifs de leur décision (comme la chose est arrivée pour l’obligation de la ceinture de sécurité en auto). Lors de grandes questions, on procède évidemment à un vote référendaire ou électoral. Dans le cas qui nous occupe, ce sont les élus qui ont fait référence à l’acceptation populaire, il faut croire qu’il s’agit d’un motif important pour eux. D’après la teneur des décisions et de leurs justifications en 2000 et en 2005, je considère que «l’évolution de la population», telle que pressentie alors, représente une raison déterminante d’en venir à étendre l’obligation du programme Éthique et culture religieuse à tous les élèves. Bien entendu, d’autres facteurs ont joué, et certains ont provoqué la précipitation des étapes de réalisation du projet, de sorte que l’on se retrouve actuellement avec les problèmes que l’on connaît.
De plus, si l’on doit se fonder sur des grands choix de société, telle la «mission de socialisation» impartie à l’école, il est abusif de le faire en laissant entendre que ces «buts sociétaux» doivent nécessairement se concrétiser de telle ou telle manière. La préoccupation du vivre-ensemble, la norme d’égalité devant la loi, la conformité aux chartes ne constituent pas un livre d’instructions pratiques. J’imagine qu’il existe plus d’une modalité d’application.
Il y a une modalité que vous écartez en raison de «la gestion pédagogique de la diversité» : l’offre de multiples programmes confessionnels… Que le système soit devenu «impraticable», c’est facile à admettre, mais a-t-on fixé des paramètres appropriés pour le rendre praticable? Déjà, pour des raisons d’organisation scolaire et de principes sociopolitiques, bien des décideurs et des leaders d’opinion privilégiaient le cours commun et obligatoire. Pourquoi n’a-t-on pas mieux expliquer au public que cette modalité était matériellement impossible ou du moins trop coûteuse? (C’est tout de même la position de 26% des mémoires traitant de programmes à la commission parlementaire en 1999.) Votre allusion aux «groupes minoritaires» possiblement mal servis nous ramène au profond dilemme qu’a cherché à élucider la commission Bouchard-Taylor : comment la protection des groupes minoritaires peut-elle s’articuler avec la sauvegarde de la majorité? Mais il vaut mieux examiner cela en pratique dans les écoles.
Votre argument pastoral est tout à votre honneur. Il est bon de rappeler que des parents catholiques ont tout intérêt à suivre la voie indiquée par leurs évêques… Mais quand vous signalez que «l’éducation de la foi [ne] se fasse plus à l’école», vous devriez vous rappeler que c’est depuis 1984 que le virage s’est fait, avec les «Orientations pastorales» et que les cours d’enseignement religieux confessionnel étaient définies depuis ce temps en objectifs éducatifs et non catéchétiques. Il y a quelque chose à déchiffrer dans les attentes des parents et je ne suis pas certain que les évêques l’aient réussi mieux que le Ministère. Du côté des responsables ecclésiaux, on voit surtout une heureuse conséquence, celle de vivifier la communauté paroissiale en s’occupant de la formation à la vie chrétienne. Dans son «témoignage public», Mgr Morissette rappelle cependant que«les parents ont à être vigilants à l’égard de ce qui se passe avec le cours Éthique et culture religieuse» (étant les mieux placés à cet effet) : un conseil peu entendu jusqu’ici.
Malgré le dernier sondage, vous pouvez ainsi continuer d’affirmer que, la sagesse de la décision gouvernementale reflétant celle de la population, le présent programme «rejoint les aspirations d’une majorité de Québécois». On pourrait penser ici aux aspirations profondes ou implicites, mais vous référez au texte que vous avez signé le 19 septembre dans Le Devoir, «La majorité souhaite un enseignement non confessionnel». Malheureusement, votre interprétation laisse voir, à mon avis, de graves problèmes de méthode. Un examen critique de votre démarche révèle, entre autres, que vous n’avez pas tenu compte de la marge d’erreur en décrétant qu’il y a une majorité, que vous avez amalgamé des réponses différentes dans votre grille interprétative et que vous aviez sélectionné des sondages convergents. Je ne reprendrai pas ici les explications que je développe dans le billet «ÉCR en débat : une interprétation douteuse des sondages sur l’enseignement religieux» (cf. le blogue «ethiqueetculturereligieuse»). Je vous invite à en prendre connaissance; je compte bien avoir vos réactions pour me réajuster s’il y a lieu.
Où loge la sagesse? Sans doute dans nos efforts pour chercher à clarifier ensemble ce qui fait l’objet de dissension dans la population et dans cette recherche commune de vérité qui doit nourrir le vivre-ensemble de notre société.
Permalien 10/25/08 @ 20:41
2- Commentaire de: Jean-Pierre Proulx (10/26/08)
M. Girard,
J’admets sans difficulté aucune que les personnes qui ont répondu à la question du sondage de l’Association des parents catholiques n’ont pas dit le contraire de ce qu’ils pensaient. J’admets tout autant que le recours au concept sociologique de « désirabilité sociale », tel que vous le rapportez n’est pas adéquat. En revanche, je soutiens qu'une question qui a pour objet la liberté induit plus spontanément une réponse favorable parce que la liberté est un bien particulièrement désirable. Cela dit et dans cette mesure, je ne conteste pas que la répartition des répondants telle qu’observée est « très probable ».
Mais le véritable débat ne loge pas à ce niveau. Il se situe au niveau des conséquences et des difficultés qu’entraînerait la possibilité pour les parents d’un choix entre enseignement confessionnel et le programme ECER. J’ai réagi au sondage de l’APCQ pour illustrer ces conséquences.
Mais je m’arrête là. Je pourrais bien continuer d’argumenter avec vous à cet égard – le débat intellectuel m’est agréable – mais, dans l'ordre de l'action, cela n’est tplus pertinent. L’exercice est inutile et dépassé. Car il y a un temps pour délibérer (il a duré huit ans!), un temps pour décider et un temps pour mettre en œuvre. On en est à la mise en œuvre du programme.
Permalien 10/26/08 @ 13:40
3- Commentaire de: Roger Girard (10/27/08)
M. Proulx,
Si le temps n’est plus à la discussion mais à l’action pour la mise en œuvre du programme, pourquoi vous attardez-vous à écrire des commentaires sur les sondages? Et pourquoi livrer des textes à des lecteurs (de journaux et de blogue) s’ils sont «indiscutables»?
Je vous comprends d’être harassé par la longueur du débat, lui ayant consacré des énergies considérables, mais il risque malheureusement de se prolonger encore longtemps si l’on ne peut compter sur un minimum de vision commune de cette réalité sociale qui nous préoccupe de part et d’autre.
Permalien 10/27/08 @ 08:43
4- Commentaire de: Jean-Pierre Proulx (10/27/08)
Parce que, selon les circonstances, j'estime que cela est utile. Ce fut le cas, à propos du sondage de l'ACPQ. Ce n'est pas une question de principe. En ce qui concerne ce billet, vous m'avez répondu, je vous ai répondu, J'ai dit ce que j'avais à dire. Il ne me paraît pas pertinent d'aller plus loin.
10/27/08 @ 08:58
jeudi 9 octobre 2008
ÉCR en débat: une interprétation douteuse des sondages sur l’enseignement religieux
Bien qu’elle reflète une idée largement partagée par les leaders d’opinion des milieux universitaire, syndical et autres, la thèse avancée avec chiffres et tableaux à l’appui est-elle aussi solide que l’auteur le prétend? La question est d’autant plus importante que la décision de rendre obligatoire le programme Éthique et culture religieuse avec la loi 95 en 2005 suppose une ouverture de l’opinion publique à l’égard de l’enseignement de la religion à l’école.
En effet, il faut rappeler l’explication du ministre François Legault, en 2000, lors de l’adoption de la loi 118 qui instaurait un programme Éthique et culture religieuse pour la fin du secondaire seulement en conservant le régime d’option entre un enseignement moral et religieux confessionnel (catholique ou protestant) et un enseignement moral uniquement. Celui-ci avait alors déclaré qu’il convenait «d’accompagner le Québec dans son évolution socioreligieuse, sans chercher à résister à cette évolution, sans chercher non plus à la téléguider à distance du pays réel». C’est dire que les élus estimaient en 2005 que la population était prête pour ce virage crucial en la matière, car ils auraient hésité à adopter la loi 95 s’ils avaient pensé que cette «évolution socioreligieuse» ne s’était pas réalisée depuis 2000. Les consultations en commission parlementaire et les débats à l’assemblée nationale n’ont toutefois pas donné lieu à une discussion des fondements empiriques de cette perception de la société québécoise. Dans son communiqué de presse du 5 mai 2005, le ministre Fournier avait déjà affirmé que le nouveau programme était «largement souhaité par une majorité de Québécois» et le site ministériel reprend encore aujourd’hui cette allégation comme allant de soi. La chose est peut-être vraie, mais sans doute pas sur la base des données disponibles.
En réactualisant ainsi l’argument statistique de la majorité en faveur du nouveau programme, dans le sillage de l’avis (février 2005) présenté par le Conseil supérieur de l’éducation qu’il présidait alors, le professeur Proulx nous donne l’occasion de porter un nouveau regard sur les sondages utilisés et sur l’interprétation qui en est proposée. Il y a quelques mois, dans présent blogue et dans celui du RAEQ, j'ai eu l'occasion de débattre de cette question avec Jean-Pierre Proulx: invité à se prononcer sur une possible remise en question des avancés de l'avis du Conseil. il avait refusé en invoquant son droit ou son devoir de réserve...Voici brièvement trois remarques de nature à remettre en question la constance de la dite «tendance majoritaire» ressortant des sondages.
1- L’ignorance de la marge d’erreur
Le sondage Léger Marketing de 2008 rapporte bien que 52% des répondants ont jugé préférable d’offrir «le nouveau cours d’éthique et de culture religieuse», mais le rapport précise bien que l’échantillon présente une «marge d’erreur maximale de ±3,4%, 19 fois sur 20». C’est dire que le score 52% doit plutôt être considéré comme se situant entre 48.6% et 56.4% dans 95% des cas. Pour certains spécialistes, si l’on désire augmenter le niveau de fiabilité à 99%, la marge d’erreur grimpe alors à 4,4%. En tenant compte de la marge d’erreur, on ne peut donc conclure à une nette majorité absolue, si minime soit-elle.
2- L’amalgame des questions dans la grille interprétative
S’il est difficile d’interpréter un sondage avec certitude ou du moins selon une méthode qui permette d’éviter de prêter aux résultats une signification indue, la tâche devient encore plus complexe et plus risquée lorsque l’on établit des liens entre plusieurs sondages. Le tableau 1 du professeur Proulx présume que d’un sondage à l’autre, les questions ont la même signification et qu’elles entrent simplement sous la rubrique annoncée. Mais rien n’est assuré là-dessus. Par exemple, dans le sondage du CRIC en 2004, il est possible que des répondants du Québec se soient prononcés en faveur de «renseigner les enfants sur toutes les grandes religions du monde» en ayant en tête que cela se faisait déjà dans l’école avec les programmes d’enseignements moral et religion catholique et protestant suivis par la majeure partie des enfants. J’ai tenu à vérifier cette hypothèse auprès de la responsable du sondage à cette époque, madame Gina Bishop, et elle m’a confirmé par écrit que cela a pu se produire. Il est donc présomptueux de considérer les résultats à cette réponse comme équivalents au choix de l’énoncé «le nouveau cours d’éthique et de culture religieuse». Dans les sondages ici mis à contribution, les répondants n’ont certes pas saisi les sujets traités d’une manière aussi uniforme que lors d’enquête sur des produits commerciaux ou sur des candidats politiques bien identifiés, et la corrélation des scores d’un sondage à l’autre devient par conséquent plus délicate. Faute de considérer le sens propre de chaque question dans chaque sondage, l’exercice risque de fausser l’analyse sociale en réifiant l’opinion publique.
3- La sélection de sondages convergents
Avec raison, le professeur Proulx fait appel à des sondages réalisés de manière rigoureuse, par des firmes professionnelles. Mais pourquoi avoir écarté un sondage mené en même temps que celui de la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire en février 2005, qui fut produit également par Léger Marketing et peut-être auprès du même échantillonnage? Le sondage en cause est donc tout aussi «scientifique» que les autres, figurant d’ailleurs dans le répertoire Opinéduq dont il est le maître d’œuvre. En dépit d’une faible notoriété, ce sondage demandé par l’Association des études canadiennes s’avère tout autant susceptible d’apporter un éclairage valable sur les attentes de la population : il vient cependant infirmer la «tendance» défendue par le professeur Proulx. À titre d’indication, la seule mention médiatique retracée, un article dans The Gazette le 17 février 2005, portait ce titre plutôt à contre-courant : «Most Quebecers favour religion in school».
Et que penser du refus de prendre en compte le sondage de CROP de 2007, sous le prétexte que celui-ci aurait insistait sur la liberté au détriment de la considération des «bonnes et légitimes raisons» qui peuvent justifier les contraintes imposées par la loi. Ce sondage risquait évidemment de mettre à mal la «tendance» si bien exprimée par les sondages retenus.
En somme, la constance que démontre le texte du professeur Proulx tient moins des statistiques que de la démarche interprétative. Face aux problèmes en éducation, comme dans d’autres domaines, le recours à des constructions factices de l’opinion publique ne peut que compromettre la délibération en vue du bien commun et la crédibilité des solutions mises de l’avant. Au-delà des convictions personnelles et des représentations convenues, s’appliquer à bien percevoir la société existante que l’on désire améliorer de quelque façon. Tout le défi est là!
lundi 8 septembre 2008
ÉCR : ne pas prendre les parents pour des enfants d’école
Les événements des derniers jours laissent présager que plusieurs parents ne démordront pas facilement de leur conviction d’être lésés dans leurs droits et responsabilités d’éducateurs de leur propre enfant. L’imposition du programme Éthique et culture religieuse leur apparaît injustifiée eu égard, entre autres, à l’exercice de la liberté de conscience et de religion pour l’éducation de leur enfant ainsi qu’aux dispositions contraignantes de la loi 95, assorties d’une modification de la Charte des droits et libertés de la personne. Le spectre d’un interminable bras de fer juridique pointe déjà à l’horizon, d’autant plus qu’une décision de cour laissera immanquablement un relent d’amertume chez les gens qui sortiront perdants de l’affaire. Comment se fait-il que nous en soyons rendus là? Plus que jamais, il vaudrait la peine de chercher à mieux comprendre ce que nous vivons comme société sur cette question lancinante de «la place de la religion à l’école». Se pourrait-il que l’on ait escamoté un ou deux chapitres de notre histoire récente à ce sujet.
Lors des rencontres à Valcourt et à St-Cyrille les 5 et 6 septembre derniers,, la réaction des responsables ministériels me semble un peu trop paternaliste face aux parents «récalcitrants». Quand on se limite à répéter les deux grandes finalités du programme, on ne fait qu’attiser la méfiance en évoquant ces «belles» valeurs qui servent de crémage sur un gâteau jugé nuisible à la santé. Quand on leur dit simplement que dorénavant «la transmission de la foi» n’est plus l’affaire de l’école et que c’est à la paroisse de s’en occuper, on rappelle ce que les parents savent puisque la chose est de mise depuis 20 ans. D’ailleurs, on oublie alors que plusieurs des parents contestataires, d’obédience protestante, s’emploient déjà à une forte transmission religieuse dans leur famille et dans leurs communautés. Le problème loge donc ailleurs. Sans envisager ici le fait que même des parents ne professant aucune religion demandent également l’exemption.
Se mettre davantage à l’écoute des parents afin de percevoir plus clairement leurs attentes et leurs revendications de sorte que les interventions à leur endroit permettraient d’explorer certains «accommodements». Peut-être aussi vérifier si les consultations ont été vraiment assez claires et complètes, et si le programme répond suffisamment aux préoccupations éducatives des parents en matière de formation éthique et de culture religieuse. Il ne suffit pas de dire que les enseignants combleront dès cette année la formation manquante pour éteindre les inquiétudes reliées au programme lui-même.
Espérons que le rapport remis par les représentants ministériels à la suite des deux rencontre aide la Ministre à trouver rapidement des pistes de solution, au moins pour la présente année scolaire.
jeudi 21 août 2008
Pour les difficultés en ÉCR, les enseignants seront les premiers blâmés (Dossier CRIFPE, prise 3)
Tout porte à croire que les enseignantes et les enseignants qui seront chargés du nouveau cours Éthique et culture religieuse en septembre prochain n’ont pas reçu la formation adéquate pour ce programme. Le constat que nous livre le dossier du dernier bulletin Formation et Profession (du CRIFPE) trouve une confirmation très claire et bien appuyée avec le dossier paru dans Le Soleil les 26 et 27 juillet 2008 sous la plume de la journaliste Daphnée Dion-Viens. (Les articles sont d’ailleurs reproduits sur le site Infobourg.)
Mais s’il survient des problème dans les écoles concernant le programme Éthique et culture religieuse (et plusieurs personnes bien avisées le prévoient), qui tiendra-t-on responsable? Il y a fort à parier que la responsabilité sera attribuée à l’enseignante ou à l’enseignant en classe. En quelques mots, voici pourquoi.
On ne peut s’empêcher de penser que les responsables au Ministère et au palier local se montreront très réticents à rappeler le manque de temps et de ressources pour l’implantation, de même qu’à souligner les difficultés inhérentes au programme dont les finalités prometteuses ne s’appuient pas sur toutes les précisions conceptuelles et pédagogiques nécessaires. D’ailleurs, comme ce fut le cas avec l’appropriation du «renouveau pédagogique», les gestionnaires ont parfois jugé que des enseignants exprimaient des réticences simplement parce qu’il avaient «peur du changement».
Le blâme tombera sur le personnel enseignant aussi et surtout parce que le programme exige d’adopter une nouvelle «posture professionnelle» et que la plupart des situations problématiques pouvant survenir en classe seront facilement reliés à une carence au plan de cette «posture professionnelle» fondée sur «un jugement empreint d’objectivité et d’impartialité»… Et comme le recours à la «posture professionnelle» semble avoir servi d’expédient aux difficultés de clarification pédagogique des composantes officielles d’un programme d’études, le personnel enseignant a à assumer, dans ses manières de réagir et de se comporter, les lacunes et les incohérences que mettra à jour l’application concrète du programme dans des classes «ordinaires», bien différentes de celles qui ont vécu l’expérimentation. Les enseignants ne retrouvent pas dans le programme lui-même ce que signifie cette «objectivité» et cette «impartialité» en classe, de sorte qu’ils ont à en déduire eux-mêmes la teneur et les applications. Leur bonne volonté ne pourra suffire à les disculper des soupçons de comportements arbitraires devant tel ou tel cas litigieux pour les élèves, pour leurs parents et même pour tout groupe religieux ou convictionnel visé. Les responsables scolaires pourront toujours alléguer un manque au plan de la «posture professionnelle» comme cause du problème…
Dans leur empressement à produire et à implanter le programme, un détail a échappé aux responsables : on ne change pas de «posture professionnelle» comme on change de chemise. C’est une entreprise de longue haleine, liée à la formation professionnelle dans ses dimensions psychosociales, qui s’étend sur des années, selon les spécialistes de cette question. Alors, prévoir dans le «kit» d’appropriation du nouveau programme le développement d’une nouvelle posture professionnelle, comme si l’opération pouvait être réalisée avec quelques jours de formation, tout en faisant de cette «posture» un paramètre incontournable de la mise en œuvre du programme, tout cela tient plus du rêve que du réalisme.
D’ailleurs, les auteurs du dossier du CRIFPE expriment ouvertement les grandes difficultés à adopter cette posture professionnelle exigée. Ainsi, pour Suzanne Rousseau, de l’UQTR, «Prétendre que des savoirs limités puissent garantir une posture d’objectivité, voire de neutralité est un leurre». De son côté, Mireille Estivalèzes, de l’Université de Montréal, énonce que « la posture impartiale semble un objectif difficile à atteindre. Pour certains enseignants, le changement de posture demandé constitue parfois une véritable reconversion…» Sans cette «posture», faut-il le rappeler, le programme risque de produire des résultats contraires à ceux recherchés!
Autre facteur important, les enseignantes et les enseignants ne pourront compter sur leurs syndicats pour les défendre en cas de «pépins». Ces derniers se sont débattus, particulièrement depuis les États généraux de l’éducation en 1995 et à chaque consultations depuis, pour compléter la laïcisation du système scolaire en enlevant l’enseignement religieux confessionnel. Le cours ÉCR que nous avons aujourd’hui se présente comme l’ultime et incontournable étape. Alors, que personne ne vienne compromettre la réalisation de cet objectif «historique». Comme le souligne Jean-Pierre Proulx dans le dossier, les responsables syndicaux semblent maintenant satisfaits que le programme soit implanté et se montrent peu loquaces sur les conditions de réussite à respecter. On se souviendra que le président de la CSQ, Réjean Parent, déclarait en décembre dernier ne pas douter que les enseignants seraient tout à fait prêts pour enseigner le programme ÉCR en septembre 2008. Il faisait alors appel à leur professionnalisme : qui osera mettre sa parole en doute?
Dans les circonstances, il est fort possible que plusieurs titulaires du primaire restreignent énormément le temps consacré à ce programme, pour éviter des problèmes de tous côtés… On ne pourra leur en vouloir d’éviter le plus possible les inconvénients d’un programme difficile à appliquer, peu adapté aux élèves et pour lequel ils sont encore en attente de formation. Si jamais des élèves de leur groupe obtenaient une exemption pour des motifs de liberté de religion et de conscience, ils n’auraient sans doute pas à être retirés ni longtemps, ni fréquemment!
Nul ne peut en douter, même s’ils ne sont pas les premiers responsables de la situation, les enseignants seront les premiers blâmés : ils sont pris dans le système et ne peuvent plus refuser. Ils sont présumés avoir été consultés et préparés adéquatement. Qui les défendra en mettant en cause le programme, avec «sa lourdeur et les défis qu’il constitue» (Suzanne Rousseau), ou en pointant les piètres conditions de formation et de mise en œuvre?
En définitive, la réaction des parents insatisfaits et inquiets, jusqu’à demander l’exemption pour leur enfant, représente peut-être la seule chance de manifester clairement que le programme, malgré ses promesses et l’enthousiasme de certains, comporte des problèmes jusqu’ici tenus dans l’ombre mais qui exigent d’être considérés avec soin. C’est peut-être de cette manière, en prenant en compte lecontexte réel d'application du programme, que l’on aidera les enseignants et les enseignantes à agir avec tout le professionnalisme dont ils sont capables.
mercredi 20 août 2008
Le dossier du CRIFPE de nouveau accessible
mardi 12 août 2008
L’université devient-elle perméable aux questions des parents?
Il y a un certain temps, j’avais découvert un site tenu par des étudiants de l’UQAM : «F.E.C.R. Formation Éthique et Culture Religieuse». J’avais d’ailleurs suggéré ce site sur mon blogue. Mais je ne voyais pas de développement. Heureusement, on a ajouté du nouveau ces derniers jours. Il s’agit d’une mention des positions de parents sur le nouveau programme commun et obligatoire. On y retrouve même l’excellente vidéo d’une rencontre d’information de la CLÉ déjà sur YOUTUBE.
«Bien que tombant souvent dans l’extrême, le fondement de leurs points de vue est pertinent, car la question fondamentale de leur malaise est celle-ci: Est-ce que le cours de ECR est neutre? À méditer!», peut-on lire.
Alors que les universitaires ont très peu parlé des attentes des parents par rapport à l’enseignement en matière religieuse, et que ceux qui l’ont fait ont plutôt jugé inopportunes, voire «rétrogrades», les appréhensions des parents, voici que ces étudiants manifestent une ouverture à la préoccupation fondamentale quant à la «neutralité» effective du programme… Pour moi, c’est une première (que l’on me renseigne si je me trompe)
De quoi étendre et enrichir le débat sur la question. Une histoire à suivre.